Juin 2024

 Rien ne va plus 

 

Je n’invente rien car un ou 2 articles sont parus nous informant qu’une rumeur aurait circulé au mois de mai dans les coulisses du pouvoir, rumeur selon laquelle Emmanuel Macron pourrait envisager de dissoudre l’Assemblée après les Jeux olympiques. Si cette info est vraie cette décision serait sans doute prise en fonction des résultats des élections européennes, environ 2 mois après celles-ci et elle pourrait intervenir en cas d’échec du parti présidentiel et du triomphe de la liste du RN mais, concernant l’intérêt que représenterait la dissolution pour le Président et son camp, c’est loin d’être évident. En effet le seul argument évoqué est que pour ne pas avoir à céder la présidence à un candidat RN en 2027, il serait possible de décrédibiliser ce parti en le laissant gouverner de 2024 à 2027 suite à des élections législatives anticipées misant ainsi sur « l’usure du pouvoir ». L’on aurait donc un Président qui cohabiterait avec un gouvernement RN qui perdrait en principe sa popularité une fois qu’il conduirait la politique de la nation. Il y a déjà eu 3 cohabitations sous la Ve République mais entre la droite et la gauche modérées alors que là la gouvernance serait laissée à un parti « extrême » et il reste à savoir comment réagirait l’électorat de la majorité présidentielle et plus généralement les Français si Emmanuel Macron décidait de « céder » le pouvoir au RN alors qu’il n’y est pas vraiment obligé. Bien sûr celui-ci, qui a cette prérogative, pourrait persister dans son idée de dissoudre l’Assemblée en évoquant une période de confusion que seules des élections législatives anticipées pourraient clarifier mais il n’est pas sûr que tout le monde comprenne cette nécessité et accepte, sans en imputer la faute au Président, certaines mesures que le parti d’extrême droite prendrait dès qu’il serait au pouvoir. Et puis bien sûr il n’est pas du tout certain que le RN, après avoir obtenu une majorité à l’issue des législatives, ne gagnerait pas la présidentielle de 2027 malgré les épreuves et les attaques qu’il subirait pendant la cohabitation.
Bref il y aurait du changement mais sans aucune garantie que ce changement soit bénéfique, non seulement pour le clan Macron, mais pour la réorganisation politique du paysage politique modéré qui s’avère être nécessaire. Car même si personne ne semble l’avoir compris pour l’instant le système Macron consistant à déclarer n’être « ni de droite ni de gauche » et à intégrer au sein de son parti et ses gouvernements des personnalités et de droite et de gauche est condamné à disparaître à plus ou moins long terme même si un candidat tel que Gabriel Attal ou Édouard Philippe, qui vient de déclarer vouloir rassembler « de la droite conservatrice à la gauche mitterrandienne », réussissait tout de même à l’emporter en 2027. En effet ce système est fragile car il nécessite d’obtenir un nombre suffisant de voix sans devoir s’allier avec quiconque, ni avec le parti LR, chose pourtant évidente si l’on déclarait être « plutôt de droite » ni avec le PS et les écologistes par exemple si l’on affirmait être « plutôt de gauche ». Et apparemment la magie macronienne qui a consisté à récolter en 2017 les voix de tous les modérés, qu’ils soient de gauche ou droite, ne fonctionne plus, en partie parce qu’il n’y a plus d’argent pour satisfaire les demandes, surtout celles des électeurs plutôt orientés à gauche. Une réorganisation politique avec un retour à un certain clivage gauche-droite semble donc être tôt ou tard inéluctable.
Quant à la dissolution qui reposerait sur l’hypothèse : « plus tôt le rn accédera au pouvoir plus vite il risquera de le quitter », encore faudrait-il savoir, si cette hypothèse est fondée, combien de temps il faudra attendre avant le déclin de ce parti : 3 ans avec une dissolution en 2024 ? 8 ans s’il gagne ensuite la prochaine présidentielle ? Davantage s’il arrive à se maintenir au pouvoir ? En tous cas s’il n’y a pas de dissolution, nous allons certainement vivre encore 3 ans de marasme jusqu’en 2027 auxquels il faudra peut-être ajouter 5 années de troubles si un candidat RN remporte la prochaine présidentielle, le pire étant à mon avis la victoire d’un candidat « ami de Macron » en 2027 (avec, comme c’est fort probable, une majorité toujours relative) puis celle d’un candidat RN en 2032 car cela signifierait que nous devrions alors vivre pendant encore 13 ans (jusqu’en 2037) dans un climat de crise permanente avant que la recomposition du paysage politique modéré, où la Macronie sous sa forme actuelle n'aura sans doute plus sa place, puisse enfin avoir lieu.
Bref, dans ces conditions, avec ou sans dissolution, selon moi « rien ne va plus ».

 
 
 
 
   
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