2022 – Semaine 48

L’impossible abandon du « quoi qu’il en coûte »

 


Le Fonds monétaire international a invité la France la semaine dernière à réduire son déficit budgétaire et à arrêter le « quoi qu’il en coûte ». Pour rappel le « quoi qu’il en coûte », qui est une politique qui consiste à soutenir à n’importe quel prix l’économie, a permis d’aider les entreprises et les ménages durant les crises sanitaire puis énergétique. Mais en dépensant des milliards l’État a considérablement augmenté la dette publique avec un déficit qui atteindra 4,9 % du PIB cette année alors que la limite acceptable se situerait aux alentours de 3 %. A noter toutefois que la récession de 2009 avait déjà fait exploser le déficit annuel qui avait alors atteint 7,5 % avec une dette totale de 1.489 milliards d'euros (77,6 % du PIB) mais que fin 2021 la dette a atteint 2.813 milliards d'euros (112,5 % du PIB).
Même si les avis sont partagés concernant le bien-fondé de la règle européenne qui a été fixée dans les années 90 prônant un déficit annuel de 3 % maximum et une dette inférieure à 60 % du PIB et sur le danger réel que peut représenter une augmentation importante de la dette publique, il est intéressant de constater que bien que le « quoi qu’il coûte » ait été utile pour protéger les salariés et les entreprises pendant les vagues de COVID puis pour aider les Français à supporter l’inflation (remise carburant, bouclier tarifaire, aides exceptionnelles), il a aussi été en totale harmonie avec la politique d’un président souhaitant être réélu. Aujourd’hui, bien que la réélection ait eu lieu et que le ministre de l’Économie ait déclaré que la période du « quoi qu’il en coûte » était terminée, il va tout de même être maintenu pour aider les plus modestes, puisque l’inflation et la crise énergétique sont toujours là. Par exemple la remise carburant qui aurait coûté 7,5 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année 2022 va être remplacée en 2023 par une ristourne plus ciblée dite « indemnité carburant travailleurs » dont bénéficiera la moitié des ménages français les plus pauvres et pour laquelle l’État devra encore dépenser environ 2 milliards d'euros par an. Le « quoi qu’il en coûte » ne sera donc pas supprimé mais il coûtera moins cher.
Le principal problème du « quoi qu’il en coûte » est que celui-ci habitue les citoyens à ce que l’État leur vienne en aide dès qu’un problème se présente. Cette habitude ayant été prise il est presque certain que les futur(e)s président(e)s seront obligé(e)s de se comporter en période de crise de la même façon pour ne pas créer un grand sentiment de mécontentement. Le « quoi qu’il en coûte » donne aussi l’illusion de l’argent facile puisque tout problème semble pouvoir être résolu grâce à quelques milliards que l’on peut puiser indéfiniment dans les caisses de l’État mais bien sûr on ne peut que s’interroger sur ce qui se passerait si un jour celui-ci n’était plus en mesure de financer des aides. Ce serait à coup sûr une grande désillusion pour tout le monde.
Concernant Emmanuel Macron je crois qu’il s’agit pour lui d’une mesure qui, à défaut d’être directement électoraliste puisqu’il ne pourra se présenter à la prochaine présidentielle, va lui être utile et qu’il souhaite donc maintenir un « quoi qu’il en coûte », même réduit, pour laisser une bonne impression de son passage à la présidence, pour ne pas abandonner son poste à l’extrême droite en 2027 et aussi, pourquoi pas, pour envisager un retour triomphal en 2032. En agissant ainsi il suit sans doute les recommandations de ses cabinets de conseil mais il serait intéressant de savoir si ceux-ci ont envisagé une situation extrême où par exemple la crise s’amplifiant elle deviendrait insupportable pour la majorité des Français et ne pourrait plus être tempérée par de nouvelles aides. En effet à force de puiser dans la caisse Emmanuel Macron ne risque-t-il pas de la « cramer » et de laisser à ses successeurs un pays exsangue tellement endetté que son économie en serait altérée avec des hausses d’impôts qui ne pourraient plus être évitées ? Mais pour l’instant nous n’en sommes pas là, le « quoi qu’il en coûte » qui ne veut plus dire son nom va continuer, du moins pour les plus humbles, et ce n’est que lorsque la crise énergétique sera terminée (quand ? comment ?) et que l’inflation sera revenue à un niveau acceptable (2 % ?) que nous daignerons l’abandonner et nous pencher enfin sur le problème de la réduction de la dette publique en espérant bien sûr qu’il ne sera pas alors trop tard c’est-à-dire que le « quoi qu’il en coûte » ne nous aura pas trop « coûté ».

 
150