2022 – Semaine 27

L’audiovisuel public en danger

 

Suite à la décision d’Emmanuel Macron de supprimer la redevance télé, l’audiovisuel public a fait grève la semaine dernière craignant de ne plus être financé correctement. Bien qu’étant un habitué des grèves il semblerait que cette fois-ci ce secteur ait un sérieux motif d’inquiétude. En effet le basculement de son financement sur le budget de l’État le rendrait, selon certains, moins sûr et davantage soumis aux aléas politiques. Ajouté à cela un projet de sénateurs LR proposant la fusion à partir de 2025 de France Télévisions, Radio France, RFI, France 24 et l'INA dans une société publique unique baptisée « France Médias », projet perçu comme étant destiné avant tout à réduire les effectifs donc le montant à financer (3,8 milliards d'euros) et l’on comprendra que les craintes sont grandes. A noter que parallèlement à la décision électoraliste d’Emmanuel Macron, qui assure que l’audiovisuel public continuera à être financé convenablement, le RN avait lui aussi proposé de mettre fin à la redevance mais en privatisant purement et simplement les médias audiovisuels publics, les composantes de la NUPES étant elles pour le maintien de la redevance. Parmi nos voisins le Royaume-Uni envisage lui aussi de supprimer la redevance en autorisant la publicité, en fermant certaines chaînes et en rendant payants certains programmes mais 12 membres de l’Union européenne dont la Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Autriche ou l’Allemagne souhaitent la conserver. Si le montant de la redevance est élevé en Allemagne (210 euros) ou en Suisse (335 euros), il est fixé en fonction des revenus dans les pays nordiques. L’Espagne, elle, où la redevance n’a jamais existé, après avoir décidé de supprimer en 2010 la publicité qui était très abondante sur les chaînes publiques, peine actuellement (comme peut-être bientôt la France) à financer son audiovisuel public à tel point qu’elle envisagerait de taxer les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime.
En France les 3,8 milliards servent à financer pour 65 % France Télévisions, pour environ 18 % Radio France, le montant restant étant réparti entre Arte, RFI, France 24, l’INA et TV5 Monde. Pour la publicité, France Inter, France Info et France Bleu sont les 3 seules radios autorisées à en diffuser, et France Télévisions, avec un chiffre d’affaire d'environ 375 millions, obtient grâce à la publicité l’équivalent de près de 15 % de sa dotation. Et ceci malgré la suppression depuis 2009 de la publicité à la télévision publique après 20 heures, dont certains réclament le retour à l'approche des JO de 2024, suppression qui était peut-être la seule réforme intéressante voulue par le président de l'époque, Nicolas Sarkozy, car elle permettait de visionner notamment une fiction sans coupure publicitaire.
Si l’on se place d’un point de vue idéologique l’on peut dire que l’audiovisuel public a été largement perméable ces dernières années à des idées progressistes ou parfois même plus avancées et que ce n’est certainement pas un hasard si France Inter par exemple est devenue la première radio de France (France Info étant troisième). En effet après avoir longtemps été plutôt de gauche modérée cette radio a progressivement délaissé le pluralisme et s’est radicalisée attirant ainsi une multitude d’auditeurs politiquement engagés et amateurs de radio tels que des sympathisants LFI. Quant à France Télévisions, bien que certains critiquent la qualité de ses programmes, elle obtient tout de même de bons résultats (premier groupe audiovisuel français avec 29,1 % de part d’audience en 2021).
Quoi qu’il en soit il faut réaliser que la solution Macron, à savoir le financement de l’audiovisuel public par l’État, n’est valable que dans un contexte où l’État a les moyens de le financer, ce qui risque de n’être bientôt plus le cas étant donné l’état d’endettement du pays. Et quand les problèmes se poseront pour tenter de réagir l’on va donc certainement vouloir réduire les effectifs ou augmenter considérablement la quantité de publicité diffusée, sans parler des programmes « bon marché » qui vont se généraliser, et l’on peut donc prédire que la qualité de l’audiovisuel public va sérieusement diminuer dans les années à venir. Une autre solution, qui aurait consisté par exemple à fixer le montant de la redevance à un niveau infime (25 € ?) pour les plus pauvres et à le doubler pour les plus riches, aurait sans doute été préférable mais Emmanuel Macron, qui sera le principal responsable du futur déclin de l’audiovisuel public français, ne l’a pas voulu ainsi.

 
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