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Alors que les cryptomonnaies comme le Bitcoin sont actuellement en forte baisse il me semble intéressant de se pencher sur le phénomène de ces actifs numériques virtuels pour essayer de comprendre ce qu’ils représentent dans notre société. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler ce que sont les cryptomonnaies ou de vous décrire les différentes opérations nécessaires pour leur fonctionnement mais je me contenterai de vous dire qu’elles ne sont adossées à aucune autorité monétaire et qu’il s’agit d’actifs hautement spéculatifs et très risqués qui ne reposent sur rien contrairement aux actifs traditionnels que sont les actions.
Concernant le Bitcoin qui est la cryptomonnaie la plus connue, suite à sa création en 2009, après avoir valu 1 dollar en 2011, il a atteint 10 ans plus tard 50.000 dollars en février 2021 puis, après quelques baisses, un cours record de 67.000 dollars en novembre 2021. Il a actuellement chuté à environ 20.000 dollars suite à la dégradation du contexte macroéconomique et c’est pourquoi l’on en parle tant ces temps-ci.
Ce qui est intéressant c’est le mythe qui est entretenu au sujet du Bitcoin. Par exemple l’on répète à satiété, même si en réalité il était très difficile d’acheter des bitcoins à l'époque, qu’une personne qui aurait investi 1.000 euros en 2011 aurait possédé, en novembre 2021, 67 millions de dollars. De plus cette cryptomonnaie peut théoriquement être achetée par tout le monde, par un smicard (fraction infime de Bitcoin), un milliardaire ou par des sociétés et dans l’esprit de nombreuses personnes acquérir des bitcoins est un moyen facile de devenir riche. Dans la réalité ce n’est peut-être pas forcément le cas car en dehors des fortes fluctuations encore faut-il savoir jongler avec les aléas des cours, revendre ou acheter quand il convient et, pour cela, seuls des spécialistes qui consacrent parfois plusieurs heures par jour à cet exercice réussissent à tirer leur épingle du jeu. Mais l’idée selon laquelle il suffit d’acheter cette monnaie puis d’attendre sans rien faire que son cours atteigne immanquablement des sommets semble l'emporter puisque par exemple avant la dernière baisse 10 % des Français possédaient des cryptomonnaies et 30 % envisageaient d’en acquérir. A noter que les possesseurs seraient pour 86 % d’entre eux des hommes et qui plus est jeunes (16 % entre 18 à 24 ans, 41 % entre 25 à 35 ans et 20 % entre 35 et 44 ans). Et si la dernière baisse des valeurs des cryptomonnaies a suscité des craintes chez certains, qui s’en sont dessaisis, une croyance inébranlable selon laquelle elles vont forcément rebondir, du moins le Bitcoin, et même que ce dernier atteindra un jour la somme folle d’un million de dollars en a conduit d’autres à les garder ou à en acheter, d’où des publicités récemment apparues pour guider les novices.
Ceci dit, moralement parlant, si pour certains il est déjà peut-être discutable de gagner de l’argent grâce à un portefeuille d’actions, c’est-à-dire sans travailler, l’on ne peut que s’interroger sur la démarche philosophique que l’on peut avoir quand on souhaite s’enrichir grâce aux cryptomonnaies.
A noter aussi que les cryptoactifs comme le Bitcoin sont dangereux pour l’environnement, à cause de l’énorme quantité d’électricité nécessaire pour faire fonctionner les ordinateurs et les serveurs permettant de valider les transactions (minage), et qu’en raison de l'anonymat de ces transactions et de « l'intraçabilité » des flux financiers ils n'empêcheraient pas les fraudes telles que le blanchiment d’argent (0,15 % des transactions cryptos en 2021).
Enfin, après avoir rappelé pour les insouciants la règle de base : « N'investir que ce qu'on est prêt à perdre », il nous faut constater qu’il n’y a pas malheureusement que des particuliers ou de grosses entreprises mondiales, dont le comportement fait parfois varier les cours, qui achètent des cryptomonnaies, il y a aussi parfois des pays et qui plus est des pays pauvres tels que par exemple la République centrafricaine qui a adopté en avril dernier le Bitcoin comme monnaie officielle à côté du franc CFA. Un exemple comme celui-ci et les situations particulières de tous ceux dont la plateforme d'échanges de cryptomonnaie où ils avaient placé tout leur argent va peut-être bientôt faire faillite nous conduisant bien malgré nous à nous demander si tout ceci est bien « raisonnable ».
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