2022 – Semaine 10

Putin de guerre

 



Si nous n’avions pas basculé, il y a plus d’une semaine, dans le pire des univers parallèles possibles, actuellement les Ukrainiens seraient tranquillement en train de vaquer à leurs tâches quotidiennes en attendant le printemps et les Russes continueraient paisiblement de bénéficier de tout l’argent provenant de la vente de leurs ressources. Mais un homme ou plutôt une poignée d’humains russes en ont décidé autrement. Pourquoi ? Officiellement pour plusieurs raisons. D’abord à cause des territoires séparatistes pro-russes situés à l’est de l’Ukraine, près de la frontière russe, pour lesquelles Vladimir Poutine a déclaré qu’il était venu leur porter secours, même si, puisqu’ils étaient selon lui terrorisées par les Ukrainiens, il aurait pu proposer à ces populations de venir se réfugier dans la Mère Russie. Ensuite parce que les Ukrainiens étaient « des toxicomanes et des néonazis » et, s’il est vrai que pour la drogue une guerre d’invasion peut aider à diminuer la consommation de ces substances nocives donc à améliorer la santé d'une partie de la population envahie qui survit, pour le nazisme c’est un peu plus discutable. Cela a permis bien sûr à Poutine de rappeler le combat de la Russie contre les nazis durant la deuxième guerre mondiale et donc de faire plaisir aux enfants de ses anciens combattants mais, à y bien réfléchir, on peut se demander si le régime de Poutine n’est pas aussi autoritaire que l’était celui du nazisme. D’ailleurs qu’est-ce en fait que le régime poutinien sinon une sorte de dictature sans pluralisme politique couplée à des recettes fiscales extraordinaires issues de la vente des hydrocarbures ? Et, même s’il n’adhère pas, comme les nazis, à l’idéologie de la race supérieure, l'idée de « gloire retrouvée » de la Russie semble être omniprésente et le régime poutinien est apparemment, comme l’était celui du nazisme, expansionniste. En tout cas le parti du président ukrainien, qui avait la majorité au parlement, n’était vraisemblablement pas nazi puisque ses ambitions principales étaient de faire vivre la démocratie et de lutter contre la corruption.
Ceci dit la Russie était aussi préoccupée par la démilitarisation et la neutralité de l’Ukraine qui souhaitait, sans succès jusqu’à présent, faire partie de l’OTAN. S’il est vrai que, si cela s’était concrétisé, dans le pire des scénarios des missiles auraient peut-être pu être installés non loin de la frontière russe, il faut comprendre que, technologiquement parlant, puisque les missiles peuvent aujourd’hui parcourir des centaines sinon des milliers de kilomètres tout en gardant la même précision, il n’est plus besoin qu’ils soient très proches d’un pays pour le menacer et l’on peut bien sûr se demander qui aurait intérêt, si ce n’est des extra-terrestres, et encore, à vouloir attaquer la Russie étant donné son impressionnant arsenal nucléaire, en tout cas pas la pacifique Ukraine. Quoi qu’il en soit la négociation aurait dû être privilégiée pour régler ce problème.
Non la vraie raison de l’invasion était d’essayer ainsi d’accroitre les territoires sous influence russe en transformant l’Ukraine en une sorte de deuxième Biélorussie et cela était d’autant plus facile et tentant que les Russes savaient qu’ils pouvaient l'envahir sans que les occidentaux ne puissent réagir, c’est-à-dire riposter militairement.
Il s’agissait donc essentiellement d’une action expansionniste de la Russie qui, en plus de rappeler que sa puissance militaire était bien réelle, permettait de solutionner des problèmes de voisinage bien que ceux-ci auraient dû être considérés comme étant supportables et non dangereux pour la Russie. Bien sûr Poutine et ses amis savaient que des protestations allaient immanquablement survenir mais l’annexion de la Crimée, en 2014, ne s’était-elle pas déroulée sans trop de problèmes, du moins sans qu’il y ait vraiment de réaction hostile de la part des pays occidentaux de nature à remettre en cause les échanges économiques ?
Donc tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quand, dans la nuit du 23 au 24 février 2022, les premières troupes russes, curieusement situées au bon endroit bien qu’étant théoriquement en manœuvre, sont entrées en Ukraine pour une opération de prise de contrôle rapide du pays.

 
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